Ainsi parlait Soudan l’Africain

Ainsi parlait Soudan l’Africain
Il existe dans la Nature des créatures possédant la faculté de localiser de loin, parfois de très loin, avec une précision infinitésimale, un gibier ou quelque autre nourriture venant à point nommé. C’est le cas des vautours que l’on voit parfois dans le desert, surgis d’on ne sait où, tournoyant au dessus d’une charogne ou d’un animal en agonie. Mais les rapaces nécrophages ne sont pas les seuls à posséder cette étonnante faculté : En sont pourvues aussi d’autres espèces parmi lesquelles on peut citer les hyènes, les requins, les bousiers et certains hominidés, comme par exemple l’honorable Mr François Soudan, journaliste de son état, officiant depuis presque toujours à “Jeune Afrique”, journal plus ou moins bien nommé…
Le choix du talentueux journaliste comme exemple ne relève nullement ici d’une quelconque mauvaise -ou bonne – intention. Il est simplement dicté par l’actualité et par le fait que ledit représentant des hominidés dans le top des champions du flair a surpassé en la matière toutes les autres espèces.
Il est le seul, l’unique, à pouvoir créer lui-même l’occasion et faire de sorte que sa vctime ou sa pitance l’invite, et parfois l’appelle à son secours. Tout un art que résume en quelques lignes le Professeur Mamadou Byllo Savane:
“Lorsqu’un tyranneau subsaharien ose fermer les vannes des sous, même temporairement, les articles hostiles de Monsieur Soudan, soudainement le rappellent à l’ordre. Le tyranneau, dépourvu d’ assise populaire dans son pays, ouvre aussitôt les caisses, et Monsieur Soudan devient soudainement « gentil »…
Se départissant pour une fois de sa réserve légendaire, le journal “Le Monde” renchérit:
“L’hebdo panafricain (Jeune Afrique ) est depuis longtemps un fumet particulier, un mélange troublant de rédactionnel et de commercial” (…); “un dispositif journalistico commercial prêt à défendre, envers et souvent contre tous, des positions qui ne sont pas défendables…”
Et cela explique, selon le quotidien parisien, les haines et les rancunes temoignées à François Soudan partout en Afrique:
“C’est un drôle de privilège que de pouvoir susciter une telle colère. On la retrouve sur Internet, où le journaliste est accusé pêle-mêle d’être « en service commandé d’un régime en fin de cycle », d’être une « plume barbouzarde » ou encore un « publireporter de luxe ». Cela fait beaucoup pour un seul homme. Lequel affecte de le prendre avec détachement : « Nombreux sont les journalistes couvrant l’Afrique à faire l’objet d’insultes », élude-t-il. Certes, mais François Soudan peut prétendre à une place sur le podium des journalistes les plus vilipendés pour ses écrits, sur le continent mais aussi en France”, dixit le “Monde”, qui s’interroge: “Pourquoi tant de haines ?”
“Sans doute parce régulièrement accusé de frayer avec nombre de dictateurs africains…”
Une explication qui tient la route…
“Il a fait le choix des dirigeants, pas celui des sociétés civiles”, déplore un confrère à JA…”
C’est peu dire: Les dirigeants africains, les potentats africains, les régimes africains autoritaires et corrompus ne sont rien moins que l’objet de sa passion. Une passion à laquelle il sacrifie ou subordonne tout, y compris sa vie privée. Ainsi, le mariage qu’il a contracté avec une cousine et néanmoins ministre de Sassou Nguesso est pour lui d’ une inestimable utilité. Il lui ouvre des portes, l’introduit dans des serails, l’aide à faire délier les cordons des bourses les plus garnies dans toute l’Afrique subsaharienne.
Madame Soudan réside à Brazzaville. Monsieur Soudan, lui, a son QG à Paris. Mais il se rend souvent en Afrique , son territoire de chasse, dès que l’un de ses clients l’y invite, ou lorsque les alizés lui apportent l’odeur d’un gibier qui l’attend là-bas, sous les tropiques.
Son débarquement chez nous, l’autre jour, ne relève pas du hasard. Il coïncide à l’évidence avec la contre offensive déclenchée simultanément sur tous les fronts par Aziz et les commandants de ses unités. Et il a été chargé, semble-t-il, d’une mission précise : Améliorer autant que faire se peut l’image bien mal en point de l’ancien président.
Mr Soudan a, sans attendre, exécuté comme il a pu sa part du contrat. En jouant sur les cordes sensibles de la sécurité et de l’émigration. En affirmant que les poursuites judiciaires engagées contre Aziz relèvent du règlement de comptes politiques. Et en présentant son client sous les traits d’un dirigeant attaché à la légalité constitutionnelle et qui a refusé de réviser la Constitution pour garder le Pouvoir (sic). Propos particulièrement élogieux, Mr Soudan le sait, par les temps qui courent.
Pourtant, le même Soudan soutenait bruyamment l’année dernière le tripouillage de la constitution congolaise par Sassou Nguesso et s’en prenait violemment à tous ceux qui s’opposaient à la révision constitutionnelle ou prônaient le boycott du référendum : « Aux urnes, Congolais ! », s’écriait-il dans un éditorial de Jeune Afrique. « Pourquoi les Africains seraient les seuls à devoir respecter, les mains liées dans le dos, des lois fondamentales d’inspiration coloniale qu’ils n’ont le plus souvent pas écrites eux-mêmes ? »
En Mauritanie, nous connaissons bien
Soudan l’Africain. Il a ses entrées chez nous. Son avant dernier séjour dans notre pays date de 1991. Il nous avait alors honorés de sa présence à je ne sais plus quelle occasion. Et il a eu la gentillesse d’écrire un livre rien que pour nous, ” Le Marabout et le Colonel”, ouvrage très élogieux pour notre président de l’époque, un certain Mouaouya Ould Taya, qui sera renversé par le chef de son bataillon de protection, le colonel Aziz, l’actuel client de Mr Soudan.
Il est peu probable que “Le Marabout et le colonel” soit aujourd’hui disponible en librairie ou ailleurs. Mais le livre a le mérite d’avoir existé, et d’avoir existé au bon moment, le “moment M…”
Pour le reste, Mr Soudan ne garantit pas de résultat et ses livres et éditoriaux diffèrent sensiblement du nez de Cléopâtre en cela qu’ils n’ont aucune incidence sur le cours de l’histoire. En l’occurrence, Mr Soudan tient plus du vautour ou du bousier que de ses congénères.
Mais cette proximité n’empêche pas, concède le “Monde”, “un certain lyrisme devenu au fil des années sa marque de fabrique. Ainsi son portrait, fin août, du président congolais en chef de guerre avant la bataille du référendum : « Trempé, stoïque mais heureux, c’est un Denis Sassou-Nguesso nu tête et incurablement élégant qui, debout dans son véhicule de commandement, a passé en revue les troupes (…), droit comme un baobab sous l’averse équatoriale », écrit François Soudan, qui n’hésite pas à suggérer que le maître de Brazzaville vient d’être « béni » par ces pluies inopinées.”
Et le “Monde” d’observer :
“L’article qui salue le « bilan » du président ne mentionne pas qu’il a déjà passé trente ans au pouvoir et que la modification de la Constitution va lui permettre de se maintenir jusqu’en… 2031”.
“Un journaliste talentueux qui a vendu son âme au diable”, regrette, amer, le très policé quotidien. Et sa plume aux potentats et aux malafrats, pourrait- on ajouter.
Ah, si la France pouvait retenir chez elle certains de ses ressortissants !
En particulier les avocats véreux et les journalistes corrompus ! Ou, mieux encore, renforcer sa législation anti corruption par une loi interdisant et punissant tout propos faisant l’apologie de la corruption et tout acte de nature à favoriser l’impunité des gouvernants corrompus ou de soustraire à la justice leurs biens illégalement acquis.
La France ferait-elle cela pour nous ?
Il n’est pas interdit de rêver…
Ahmed-Salem Tah